Je quitte Kaikoura dimanche matin direction Christchurch. Je découvre l’auberge où je vais rester 2 jours, où je fais la rencontre de Max, le gros bouldog de la maison, avec lequel je reste jouer bien 30 minutes. (Lady si tu m’entends, tu me manques !), je passe gouter l’eau du spa, je sens que je vais être bien ici ! Mais je ne suis pas venue ici pour rester à l’hôtel, en début d’après-midi, je prends mon sac à doc et mon appareil photo et c’est parti pour une visite du centre-ville. Pour vous donner une idée, Christchurch est la deuxième plus grande ville de Nouvelle Zélande, avec 350 000 habitants. Cette ville se veut au style anglais, puisque les colons arrivés en 1848 avaient comme projet d’y établir une ville « idéale », sans pauvreté, créant ainsi des bâtiments aux architectures originales, un tramway devenu célèbre et une magnifique cathédrale. Même si la dure réalité de la vie coloniale les a ramené à la réalité, Christchurch garde les traces de ce style bien british, avec notamment un magnifique jardin botanique ou des quais le long de la rivière Avon à traverser en barque. Cependant, le 22 février 2011, un séisme de magnitude 6,3 tua plus de 190 personnes et détruisit une grande partie de la ville. Christchurch est depuis une ville « ruine », en reconstruction. Alors voilà, se promener dans Christchurch c’est d’abord se promener dans un immense chantier, avec des grues à n’en plus finir, des travaux dans tous les sens, des projets de reconstruction, des immeubles rasés. C’est très impressionnant, et surtout très triste. Je décide de m’arrêter sur la place de la cathédrale. La cathédrale a été en partie détruite pendant le tremblement de terre, et est restée dans le même état depuis 5 ans maintenant, la ville n’arrivant pas décider s’il faut la détruire, essayer de la rénover, ou en reconstruire une nouvelle… Simplement en jetant un coup d’œil à la cathédrale, on peut deviner la puissance d’un tel tremblement de terre, une partie du bâtiment est comme arraché, envolé. Je reste assise face à ce désastre, pensive. Tout à comme, un vieil homme s’approche de moi, pour discuter. Je fais donc la rencontre d’Henry, 79 ans, habitant Christchurch depuis 41 ans, dont le sourire me fait incroyablement penser à celui de mon papi Jean. Il me demande d’où je viens…

-« France »

-« Ah, c’est bien d’être français en ce moment ! »

-« Pourquoi ça, au contraire, j’aimerais être d’autre part en ce moment avec les attaques… »

-« Non mais au contraire, tu as de la chance. Rien qu’en te présentant et en disant, bonjour, moi je suis française, tu peux avoir rapidement une conversation très intéressante sur la géopolitique actuelle, avec de parfaits étrangers, de pays et opinions différents. Tu évites les questions à la con du genre: t’as combien de frères et sœurs ou qu’est ce que tu fais en Nouvelle Zélande ».

- « Oui, c’est vrai, j’avais pas vu ça comme ça… »

- « Vous êtes d’ici ? »

- « Oui, j’ai eu 79 ans cette semaine et ça fait tout pile 41 ans aujourd’hui que j’habite Christchurch ».

-« Ah oui donc vous devez bien connaitre le coin j’imagine ! »

-« Tu contemples le désastre de la cathédrale à ce que je vois ? »

-« Ouais, je trouve ça assez triste en fait comme endroit. Comment un bâtiment pareil peut s’écrouler en 1 minute ? »

-« C’est plus compliqué que ça, à vrai dire. Quelques jours avant le grand séisme du 22 février, Christchurch a été secoué par un autre séisme, d’amplitude 7, mais qui était au large de la côte. Les gens l’ont ressenti, mais rien de majeur. Par contre, la cathédrale a été vraiment secouée et a commencé à se fragiliser. La ville a donc décidé d’entamer des travaux de consolidation. Tu vois l’échafaud là-haut, ben en fait ils datent d’avant le 22 février. Le 22 février, le séisme avait une amplitude plus faible mais était beaucoup plus près de Christchurch, et là c’était autre chose, et la cathédrale a continué de s’écrouler. »

- « Vous étiez là au moment du tremblement de terre ? C’était comment ? »

- « Ho ma petite, je ne peux pas te décrire ce que ça fait. Moi j’habite sur le mont là-bas, l’image la plus marquante pour moi je pense c’était la vue de là-haut. Voir la ville entière sous un grand nuage de poussière, et voir des dizaines de bâtiments s’écrouler, c’était quelque chose. »

-« Mais quand c’est arrivé, vous avez fait quoi ? »

-« Moi j’étais dans mon jardin. Tu sais on te donne tout un tas d’instruction quand tu vis en Nouvelle Zélande : rester sous un encadrement de porte, ne pas essayer d’aller dehors, bouger le moins possible… Mais quand tu vois le sol se fendre en deux sous tes pieds, tu paniques. Beaucoup de gens ont eu le reflex de partir en courant, ils auraient sans doute été plus en sécurité si ils n’avaient pas bougé. D’un seul coup, tu ne te sens plus en sécurité nulle part.

Je dois te laisser, j’ai rendez-vous, je suis enchanté d’avoir fait ta connaissance. Tu pourras dire à tes amis que tu as rencontrés un survivant de Christchurch comme ça ! »

« Ça m’a fait vraiment plaisir de discuter avec vous. Moi c’est Anne au fait. Je vous souhaite bonne chance pour la suite, même si jusqu’ici vous avez été plutôt chanceux à ce que je vois ! »

-« Moi c’est Henry. Oui, très chanceux. J’ai perdu plusieurs très bons amis dans le tremblement de terre, sans parler de ceux qui ont quitté la ville ou même le pays une fois leurs maisons détruites… Bon allez, je dois y aller, profite bien de Christchurch ! »

Voilà comment en quelques secondes en Nouvelle Zélande, une simple pause assise sur une place, peut devenir un moment d’échange enrichissant.

Je me suis promenée dans Christchurch tout l’après-midi, je suis passée par ses rues piétonnes, ses quais, son jardin botanique… et j’ai trouvé cette ville très agréable. Son centre-ville est bien plus joli que celui de Wellington, et l’ambiance qui y règne est très paisible. Je réalise que si je me sens bien dans cette ville, actuellement en plein chantier, c’est qu’elle devait vraiment être formidable avant ce tragique événement…

J’ai ensuite passé toute la soirée en la compagnie de Nile, Finn, Sofy, Viktor et Yann, respectivement allemands, anglaise, suédois et canadien. On passe la soirée à discuter de sujets et d’autres comme si on se connaissait depuis plusieurs semaines. C’est incroyable comment on crée des contacts rapidement ici. Vraiment. J’adore ça, juste m’asseoir à côté de quelqu’un et entamer une conversation comme si de rien n’était. Je pense que c’est une des choses qui me manqueront le plus de retour en France, juste rencontrer des nouvelles personnes. Si simple, mais si intéressant.

Christchurch
Christchurch
Christchurch
Christchurch
Christchurch
Christchurch
Retour à l'accueil